Village de Lachau
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Vue du chateau et de l'église © Dobeuliou
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Les « Poilus » nés à Lachau titulaires de la carte du combattant

 

« Et je porte avec moi cette ardente souffrance
Comme le ver luisant tient son corps enflammé
Comme au cœur du soldat il palpite la France
Et comme au cœur du lys le pollen parfumé 
».

Vers tirés de Calligrammes1, poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916, « Tristesse d'une étoile » de Guillaume Apollinaire (1880-1918)2 - Poète et écrivain français, critique et théoricien d'art. Éditions Mercure de France, 1918.


Les commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale ont généré d'innombrables demandes d'information émanant des familles à propos de leurs ascendants ayant participé à ce conflit, notamment en ce qui concerne leur parcours militaire et la possibilité de mettre un visage sur un nom.

C'est ainsi que l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) et certains services d'archives départementales ont uni leurs efforts pour inventorier et numériser l'ensemble des cartes des combattants ayant participé à la guerre 1914-1918. Ces cartes de couleur verte ont été restituées par leurs titulaires en échange de la carte du nouveau modèle édité en 1933 et de couleur « chamois ». 

Ainsi a pu être réalisée une liste non exhaustive3 de 24 anciens combattants de la guerre 1914-1918 nés à Lachau ayant reçu leur carte du combattant délivrée par le préfet du département de leur résidence. A ce titre, ont pu être téléchargées les cartes de combattant avec photographie pour 20 d'entre eux.
► voir le tableau des 24 anciens combattants de la guerre 1914-1918 nés à Lachau titulaires de la carte du combattant.
► voir les 20 cartes du combattant de couleur verte

Création de la carte du combattant
«Ils ont des droits sur nous» avait dit Georges Clemenceau en parlant des combattants de la Grande guerre. C’est sous la proposition des associations d’anciens combattants que l’État crée un système d’aide dont celui de la carte du combattant instituée par l'article 101 de la loi de finances du 19 décembre 19264 et attribuée à tous les anciens combattants de métropole et d'outre-mer selon des conditions d'éligibilité définies par plusieurs décrets : 28 juin 1927, 1er mars 1928, 1er juillet 1930, 24 août 1930.
Les arrêtés des ministres des pensions du 1er mars 1928 (Louis Marin5) et du 2 juin 1930 (Auguste Champetier de Ribes6) précisent que cette carte du combattant est délivrée par le président du comité départemental du combattant où réside l'intéressé sous réserve d'avoir fourni au préalable un certificat provisoire délivré par les autorités militaires.
► voir un modèle de certificat provisoire de carte du combattant du ministère de la guerre.

La carte de combattant est alors remise à l'intéressé par l'intermédiaire du maire de sa commune de résidence.
Le décret du 28 juin 1927 précise le modèle des premières cartes du combattant délivrées (1er type couleur verte). C'est ce modèle qui concerne les 20 « Poilus » nés à Lachau.

Le 3 juillet 1933 le ministre des pensions, Edmond Miellet7, décide que :
- les cartes délivrées à partir du 1er août 1933 sont d'un nouveau modèle (2ème type) avec la couleur " chamois " et doivent également être échangées tous les 5 ans.
- les cartes du 1er type délivrées avant le 1er août 1933 sont valables 5 ans à compter du jour de leur établissement même si, à titre exceptionnel, les cartes ayant dépassé les 5 ans demeurent valables jusqu'au 31 décembre 1933.

► voir une carte du combattant 2ème type : recto et verso.

Pour recevoir leurs cartes du combattant du 2ème type, ces 20 « Poilus » nés à Lachau ont du restituer à l'ONAC-VG leurs cartes du combattant du 1er type qui ont été archivées et numérisées dans les années 2010 avec les services d'archives départementales (Ardèche, Drôme, Hautes-Alpes, Alpes de Haute Provence).

À noter que la carte du combattant était aussi accordée aux militaires ayant combattu pendant la guerre 1870-1871 et aussi à ceux ayant participé aux nombreuses expéditions et campagnes outre-mer avant 1914.
Exemple : Jouve, Pierre Paul Jules né à Lachau le 12/04/1849 résident à Peyruis (04) qui a eu le statut d'ancien combattant avec carte au titre de sa participation à la guerre de 1870-1871 (20 août 1870 – 26 mars 1871) au sein du 1er bataillon du 82ème régiment de la Garde nationale mobile8 de la Drôme (2ème brigade, 3ème division, 18ème corps d'armée).

La possession de la carte du combattant donne le droit à la retraite du combattant, des aides matérielles à la personne et aux familles, des prêts bonifiés et autres avantages fiscaux, et jusqu’à l’aide pour les frais d’obsèques.

Création de la retraite du combattant
La loi du 31 mars 1919 (J.O.R.F. du 2 avril) stipule dans son article 1er que "la République, reconnaissante envers ceux qui ont assuré le salut de la patrie, proclame et détermine (...) le droit à la réparation due aux militaires des armées de terre et de mer affectés d'infirmités résultant de la guerre, aux veuves et orphelins et aux ascendants de ceux qui sont morts pour la France". La loi du 24 juin 1919 (J.O.R.F. du 26 juin 1919) vient la compléter en étendant ce droit aux victimes civiles de la guerre.

Le 20 janvier 1920 est créé le ministère des pensions, des primes et des allocations de guerre dont André Maginot9 est le premier titulaire. Sa finalité est définie le 27 janvier 1920, à savoir : « centraliser dans un organisme unique les services jusqu'ici répartis dans divers départements ministériels pour accélérer la liquidation des pensions et la payement des indemnités dues aux personnes et résultant de la guerre ».

L’idée de la création d’une retraite du combattant à titre de reconnaissance et de réparation prend naissance pendant la Grande Guerre et trouve sa concrétisation sur la base des travaux des « États Généraux de La France meurtrie » du 11 novembre 1927 présidés par les plus hautes autorités politiques10 et conseillers de l’État, débouchant sur une proposition de loi du député Jules Boyer11. Elle est inscrite dans les articles 197 à 199 de la loi de finances du 9 mars 1930 ♦ voir ci-contre la photo des représentants des associations d'anciens combattants lors des États Généraux.

Son décret d'application du 7 août 1930 l’attribue à tous les anciens combattants titulaires de la carte du combattant âgés de plus de 50 ans12.

Le décret du 26 août 1930 établit que ces dispositions sont applicables aux titulaires de la carte du combattant résidant en Algérie, dans les colonies, protectorats et mandats, mais le taux de l’allocation du combattant des indigènes coloniaux est fixé à 50 % de celui des Français et Africains du nord (décret du 24 novembre 1930).
Initialement appelée allocation du combattant, la loi de finances du 31 mars 1932 lui a donné sa dénomination actuelle : retraite du combattant13. L'évolution de cette prestation qui a été marquée d'une grande complexité, a d'abord été servie annuellement à partir de 50 ans à des taux différents en fonction de l'âge du bénéficiaire – confer le tableau ci-joint :

Montant des francs en 1952

Âge des anciens combattants

Équivalent en euros 2020

530 frs

De 50 à 55 ans

11,90 €

1 272 frs

De 55 à 60 ans

28,56 €

3 500 frs

De 60 à 65 ans

78,59 €

4 500 frs

À partir de 65 ans

101,05 €

Cependant, et bien souvent dans une logique d'économie budgétaire, différentes lois de finances annuelles ont modifié entre 1954 et 1977 les conditions de la liquidation et de la jouissance de la retraite du combattant (âge, invalidité, infirmité, situation sociale, nature du conflit, résidence en outre-mer...) et c'est à compter du 1er janvier 1978 que la retraite du combattant est fixée pour tous les ressortissants sur la base d'un indice unique qui est régulièrement augmenté et dont sa valeur indiciaire est revalorisée au fil des années sur la base des pensions militaires d'invalidité.

Financement de la retraite du combattant
Après son inscription au Code des Pensions Militaires en 1932, l’article 136 de la loi du 31 mai 1933 autorise le gouvernement à fixer les conditions d’organisation de la Loterie nationale « dont le produit sera, après prélèvement d’une somme de 100 millions de francs affectée à la caisse de solidarité contre les calamités agricoles, rattaché selon la procédure du fonds de concours au chapitre 14 du budget des pensions (retraite du combattant) dont le crédit sera réduit à due concurrence ».

Puis, le financement de la retraite du combattant est assuré, après diverses affectations des recettes de la Loterie nationale (Secours National sous le régime de Vichy, puis Entraide française dés 1945), avec des crédits budgétaires votés par le parlement.

Création de la croix du combattant
La loi du 28 juin 1930 crée la Croix du combattant, destinée à « signaler à l’attention de leurs concitoyens qui les ignorent les titres au respect des générations futures de ceux qui, au péril de leur vie, ont défendu la Patrie». Son décret d'application du 24 août 1930 fixe les modalités de sa remise.
► voir le décret relatif à l'application de la loi du 28 juin 1930 instituant la Croix du combattant.

Le modèle de la croix du combattant proposé par l'artiste Eugène Baptiste Doumenc (1873 - 1943) a été choisi par un jury présidé par André Maginot, président du comité d'administration de l'Office National du Combattant (ONC) et de l'Office des Mutilés et Réformés de Guerre (OMRG), à l’issue d’un concours ouvert à tous les artistes anciens combattants ♦ voir la photo ci-contre.

L’attribution de la carte du combattant donne droit :
- à l'apposition du drapeau tricolore sur le cercueil du défunt ancien combattant,
- au port de cette croix sans aucune autre formalité durant son vivant.

Cependant, l'obtention de cette décoration a pu donner lieu à la remise de diplômes non officiels et réalisés par diverses associations ou organismes patriotiques.
► voir un exemple de diplôme délivré par l'Union Nationale des Mutilés Réformés & Anciens Combattants.

Les associations d’anciens combattants
Alors que la France a mobilisé environ 8 410 000 soldats et marins français, se sont constituées à la fin de la Guerre 1914-1918 de nombreuses associations d'anciens combattants (et aussi de victimes de guerre) formées par ceux qui avaient eu la chance de sortir indemnes ou presque de cet enfer. Elles ont commencé à défendre les anciens combattants et les victimes de guerre en faisant preuve de dévouement et de désintéressement envers leurs frères d'armes (dont 3 millions de blessés).

En 1923, lors de son Congrès, l'Union Fédérale - dont le président était René Cassin - avait déjà tenté de réunir dans une seule confédération les diverses associations d'anciens combattants. Mais, il faut attendre 1927 à la suite des "États Généraux de la France Meurtrie" réunis à Versailles le regroupement de tous les « vrais » combattants volontaires. Pourquoi « vrais » ? ; Car certains d'entre eux n'avaient connu que des services à l'arrière et en fait n'avaient pas réellement combattu. Ce fut un succès et un premier organisme unitaire fut créé, la "Fédération Nationale des Combattants Volontaires de la Grande Guerre". Celle-ci fusionna en 1935 puis en 1938, avec la "Fédération Nationale des Engagés Volontaires" et prit le nom de "Fédération Nationale des Volontaires de Guerre".

Les commémorations auxquelles participent ces associations d'anciens combattants constituent certainement l’un des rites mémoriels essentiels de la France. Si le phénomène s’amorce avec la guerre de 1870, c’est évidemment la Première Guerre mondiale qui leur donne toute son ampleur. Les conflits ultérieurs (Levant, Madagascar, Extrême-Orient, Afrique centrale, Afrique du nord, Moyen-Orient...) renforcent encore considérablement le phénomène commémoratif ♦ confer les 2 photos de commémorations ci-contre.

Bien entendu, les pratiques commémoratives occupent une part essentielle de l’activité des associations d'anciens combattants mais l’action sociale est aussi au cœur de leurs préoccupations. Ces associations qui ont pu, à l’occasion, servir de tremplin dans le cadre de l’ascension socioprofessionnelle, rappellent également le rôle central joué par les anciens « Poilus » dans la société française des années d'après guerre.

Éléments essentiels de la sociabilité villageoise, ces associations d'anciens combattants ont organisé à l'époque de nombreux bals, lotos et autres banquets qui étaient autant de moments qui rythmaient la vie des villes et villages.
► voir une affiche de l'Union Nationale des Combattants


Conclusion en ce qui concerne les 24 anciens combattants nés à Lachau ayant reçu la carte du combattant
Cette liste de ces 24 anciens combattants dont la moyenne d'âge au moment de leur mobilisation était de 29 ans a pu être établie à partir des données numérisées des services d'archives départementales des Alpes de Haute-Provence, de l’Ardèche, de la Drôme et des Hautes-Alpes.

Mais elle n'est pas exhaustive. En effet, un document établi par l’abbé Loche curé de Lachau (1938-1940) et fourni par Sophie Audibert met en évidence une liste de noms de 73 hommes mobilisés sur une population de 459 habitants résidents dans la commune en 1911.
► voir un extrait du bulletin paroissial (vers 1939-1940)

Sur les photographies des cartes du combattant de ces 20 anciens combattants, on peut remarquer les éléments suivants :

  • pour la grande majorité d'entre eux : le port d'un costume avec veston ou gilet,
  • pour plus de la moitié d'entre eux : le port d'une cravate sauf pour ceux qui ont une chemise blanche avec un col de type « officier »,
  • leurs cheveux bien peignés et courts parfois taillés en brosse et leurs moustaches bien taillées à la mode de l'époque,
  • pour quelques uns d'entre eux : le port en sautoir sur le rebord de leur veste du ruban de la Croix de Guerre 1914-1918,
  • pour la plupart d'entre eux : leurs postures fières lors de la prise de la photographie.

Tous ces éléments attestent l'importance qu'ils accordaient à ce titre de reconnaissance de la Patrie au regard de leurs engagements lors de la guerre de 1914-1918.

 

De plus, les photographies des cartes du combattant de beaucoup d'entre eux mettent en évidence de leur part :

  • un regard à la fois perçant et parfois bien lointain,
  • voire certaines cicatrices sur le visage.

Ce qui semble témoigner que ces « Poilus » ont enduré des souffrances de toute nature lors de la guerre 1914-1918 – certains ayant été sur le front pour une longue durée entre 3 et 4 ans.

En outre, pour plusieurs d'entre eux, les couleurs noire de leur costume et blanche de leur chemise peuvent être assimilées à celles portées lors des cérémonies d'enterrement et des périodes de deuil concernant leurs frères d'armes tués ou disparus lors de ce conflit.

Enfin, la nature et la qualité des vêtements de ces anciens combattants traduisent leur appartenance à différentes catégories socioprofessionnelles. Cependant, leur adhésion au monde « combattant » à travers les associations d'anciens combattants a gommé ces différences entre eux car ils avaient conscience d'appartenir à une fraternité d'armes qui a partagé les mêmes combats, sacrifices et souffrances.

C.A.M.

Merci à Monique Amic et Sophie Audibert pour leur collaboration qui a permis la rédaction de cet article mémoriel de la commune de Lachau.

1 Un calligramme est un poème dont la disposition graphique sur la page forme un dessin, généralement en rapport avec le sujet du texte, mais il arrive parfois que la forme apporte un sens qui s'oppose au texte. Cela permet d'allier l'imagination visuelle à celle portée par les mots.

2 Né Guillaume Albert Vladimir Alexandre Apollinaire de Kostrowitzky, naturalisé en mars 1916 quelques jours avant d'être blessé grièvement au crane par un éclat d'obus sur le front où il servait comme lieutenant commandant la 6éme compagnie du 96éme régiment d'infanterie ; il décède de la grippe espagnole le 9 novembre 1918 et il est déclaré mort pour France en raison de son engagement lors de la guerre 1914-1918.

3 Pour son renouvellement, le combattant devait renvoyer sa carte. C’est ainsi que les fonds de l’ONAC-VG versés aux services d'archives départementales contiennent certaines cartes, en plus ou moins grand nombre, avec ou sans photographies. Malheureusement, un certain nombre de ces dossiers ont été détruits à la suite d’une instruction du 31 décembre 2008. Heureusement, une nouvelle note de 2011 recommande la conservation des cartes comportant des photographies, précieuses pour les généalogistes.

4 L'article 101 de la loi de finances du 19 décembre 1926 institue aussi la création de l'office national du combattant.

5 Homme politique et savant (1871-1960).

6 Homme politique, juriste et ancien combattant blessé (1882-1947).

7 Homme politique et ancien combattant (1880-1953).

8 La garde nationale mobile, appelée les « Mobiles » en abrégé et appelée les « Moblots » familièrement fut créée par la loi du 1er février 1868 afin de concourir comme auxiliaire de l'armée d'active à la défense des places fortes, villes, côtes, frontières de l'Empire et chargée du maintien de l'ordre intérieur.

9 Homme politique, fonctionnaire et ancien combattant blessé (1877-1932).

10 Ces états généraux ont été présidés par Gaston Doumergue (1863-1937), Président de la République, et clôturés par Raymond Poincaré (1860-1934, avocat et homme politique), Président du Conseil des ministres avec la participation de plusieurs personnalités politiques : Aristide Briand (1862-1932 avocat et homme politique), René Cassin (1887-1976, juriste, diplomate, homme politique et ancien combattant blessé), André Tardieu (1876-1945, journaliste, homme politique et ancien combattant).

11 Homme politique et ancien combattant blessé (1888-1937).

12 A compter du 1er mai 1954, l'âge de la jouissance de la retraite du combattant est de 65 ans ou 60 ans sous certaines conditions : résidence en outre-mer, infirmité et invalidité, situation sociale.

13 Elle est non imposable, non réversible, non cessible.

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